UNE PREMIÈRE MONDIALE FRANÇAISE
“Une aventure humaine, scientifique et technologique futuriste, voire quasiment impossible”
C’est avec ces mots qu’Anne-Isabelle Etienvre (Directrice de la recherche fondamentale au CEA) démarre la conférence de presse qui, ce 2 avril sur le site de Saclay, présente “Iseult”. Une exclusivité mondiale.
UNE PUISSANCE INÉGALÉE
Le CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) a livré ses premières images du cerveau humain. Des images qui vont secouer la communauté scientifique car elles proviennent de l’IRM Iseult qui, avec son champ magnétique de 11,7 teslas, devient le plus puissant du monde. Pour comparaison théorique, la centaine d’IRM actifs en milieu hospitalier culminent à maximum 3 teslas.
Cette puissance, dûe à un aimant supraconducteur hors norme de 132 tonnes et de 5 mètres de longueur et autant de diamètre, permet aujourd’hui d’éplucher le cerveau humain avec une précision sans commune mesure. “Les images sont d’une clarté incomparable” Nicolas Boulant (Directeur de recherche responsable du projet Iseult pour le CEA). Une avancée technologique et scientifique majeure, car il faudrait en effet rester 2h immobile dans un scanner 3 teslas de qualité hospitalière pour obtenir une telle résolution. Il suffit de 4 minutes d’observation avec Iseult.
20 ANS DE RECHERCHE EN TERRITOIRE INCONNU
L’aventure Iseult est le résultat d’un partenariat franco-allemand initié au début des années 2000. Avec le concours de grands industriels tels que Siemens (conception de l’aimant) et Alstom (conception des composants), le CEA a réuni plusieurs talents aux disciplines différentes et complémentaires (neuroscientifiques, bio-informaticiens…) autour de ce projet que l'on pensait irréalisable. C’est en s’appuyant également sur son expertise des aimants supraconducteurs, mis au point pour le grand accélérateur du CERN, que le CEA a pu aboutir à cette incroyable réussite.
En 2021, les 11,7 teslas de son champ magnétique avaient déjà permis de sonder les entrailles d’un potimarron, marquant ainsi son entrée dans une phase opérationnelle après vingt ans de développement. Après avoir convaincu les autorités sanitaires qu’une telle intensité magnétique n’avait pas d’effet sur la santé, les équipes du CEA ont procédé avec précaution à l'observation de
leurs premiers sujets humains. Des tests de stabilité, génotoxicité, température des tissus cérébraux, cognition, suivi physiologique réalisés sur 20 volontaires après exposition n’ont en effet révélé aucune anomalie. “Nous n’avons rien constaté de problématique. C'était une étape capitale pour envisager d’en faire un explorateur du cerveau humain” explique Nicolas Boulant. Une étude placebo dans laquelle des volontaires ont été exposés à leur insu, à une session à zéro tesla, a également été conduite. L'objectif était d'examiner si la machine, qualifiée de "potentiellement intimidante" par Nicolas Boulant, pouvait influencer un biais psychologique.
LA PERSPECTIVE DE DÉCOUVERTES D'INTÉRÊT PUBLIC
Si pour le moment, l’IRM Iseult se destine à la recherche fondamentale, le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle ouvre un large champ des possibles. Par exemple, la qualité des contrastes entre les tissus biologiques fait émerger la concentration en fer, qui pourrait renseigner sur des maladies détectées trop tardivement, telles que la maladie de Parkinson. La résolution permet aussi de mettre plus en évidence les atrophies de l’hippocampe qui interviennent dans la maladie d’Alzheimer. Un enjeu sociétal de taille dans le contexte du vieillissement actuel de la population.
Par ailleurs, il sera aussi possible de décrypter le code neural avec des données fonctionnelles permettant d’étudier la stimulation de telle ou telle zone du cerveau, en fonction de telle ou telle activité cognitive “L’intelligence artificielle joue un rôle important dans ces travaux.” précise Nicolas Boulant. Une révolution qui inspire : “Nous devons obtenir d’autres autorisations pour continuer nos investigations. Certains s'intéressent à l’étude des maladies dégénératives, à la sclérose en plaque et aux maladies psychiatriques” explique t-il.
Aujourd’hui, l’ambition de l'institut NeuroSpin (centre de recherche pour l'innovation en imagerie cérébrale situé sur le site du CEA Paris-Saclay) se focalise sur le cerveau même si Iseult se destine à une carrière internationale qui pourrait accueillir de nombreux projets et faire avancer la recherche mondiale. A 215 millions d’euros (financés par l’Etat et les industriels), impossible pour le moment d’envisager sa démocratisation en milieu hospitalier, tant par sa taille que par l’expertise qu’elle requiert. Ceci dit, cette innovation majeure bénéficiera à la recherche médicale et, in fine, à la population mondiale. Aussi impressionnante que captivante, Iseult n’a donc pas fini de faire parler d’elle.
Diane Dioubate